Les sorties de la semaine

vendredi 25 décembre 2015

Au Coeur de l'Océan


Synopsis :

L'Essex, baleinier du XIXème siècle, part à la recherche d'huile de baleine. George Pollard est le capitaine du navire mais c'est le commandant en second, Owen Chase qui prend en main toute la navigation. Pendant quelques mois, la chasse est peu fructueuse mais l'aventure va s'animer lorsque le chasseur devient la proie... 


Commentaire :

Ron Howard toujours solide à la réalisation

Ron Howard réalise ici un film très prenant. La réalisation est rythmée tout en limitant les scènes de pure action. En effet, le but est de mettre sur écran "l'histoire vraie" et non le roman de Moby Dick. Ron Howard propose des scènes d'action comme dans tout film de divertissement mais ménage des pauses, cela renforçant l'effet de réalisme. L'histoire est racontée a posteriori par un personnage ; il y a donc également des retours entre les deux époques. De plus, au sein de l'histoire principale, Ron Howard s'attarde énormément sur le contexte et les relations entres les personnages. Le rythme est dynamique mais l'élément qui peut laisser un goût étrange à la sortie du film est le fait qu'il n'y ait pas vraiment de climax. Néanmoins, on expliquera cet élément ultérieurement par le fait que l'aventure de la chasse à la baleine n'est en fait pas le cœur de l'histoire. Les décors sont eux magnifiques, la ville mais surtout le baleinier d'époque. Les baleines dont le cachalot blanc sont d'un réalisme stupéfiant. Tout en étant fonctionnel, l'esthétisme des plans est très travaillé et l'étalonnage des couleurs renvoie constamment au bleu de la mer. Les plans de dérive dans l'Océan Pacifique ne vont pas sans rappeler de temps en temps Le Radeau de la Méduse, d'ailleurs il s'agit de deux tragédies de la même époque. Notons également que de nombreux plans ont une réelle profondeur de champ rendant la 3D très immersive. La musique de Roque Banos est mise à l'honneur par la mise en scène de Ron Howard, celle-ci laissant la bande musicale s'exprimée lors de séquences descriptives.

Le travail des personnages (Spoils)

Les personnages sont travaillés et notamment les relations entre eux. Les acteurs sont excellents, portés par le charismatique Chris Hemsworth (Chase). Certains pourront faire le reproche de la relégation de Moby Dick au second plan, car il est vrai que le cachalot, tout cristallisant l'attente des personnages et des spectateurs, n'est pas tant le sujet du film. Néanmoins, il faut rappeler qu'il ne s'agit justement pas de Moby Dick mais du cachalot blanc ayant inspiré la légende et qui malgré tout est déjà bien singulier pour un cachalot. Les personnages centraux de l'intrigue sont donc le capitaine (Pollard) et son second (Chase) dont Ron Howard s'attache à décrire leur état d'esprit et à filmer leur physique meurtri dans la deuxième partie du film. 

Thématiques intéressantes (Spoils)

Il y a, tout au long du film, le sentiment que Ron Howard veut aborder énormément de sujets traitant à la société, d'où la "pale" figure du cachalot. Le premier élément à noter est que malgré l'enthousiasme des personnages, le sujet central du film, c'est à dire la chasse à la baleine, est montré comme une activité brutale et sanguinaire . Ron Howard nous montre des cachalot se faire harponner et il insiste plus sur leurs tentatives de débat et de fuite que sur l'effort des marins. Le film insiste également lors d'une scène sur le fait que c'est une mère protégeant son petit qui est prise pour cible. Lorsqu'un cachalot agonisant est achevé, le personnage de Chris Hemsworth (Chase) et le narrateur personnage semblent tristes. Le découpage de la bête est également filmé de manière à répugner. D'ailleurs le film montrera en conclusion le personnage de Chase changeant d'activité ; peut-être la morale de l'histoire. Le cachalot blanc est lui traité à la manière d'un Godzilla venant rétablir les équilibres naturels, bousculés par l'avidité et la perte de raison de l'homme (le film le dit explicitement). Alors que les personnages se pensent les créations supérieures de Dieu, le cachalot vient les remettre à leur place. Il ferra même preuve de compassion. C'est le seul "personnage" qui montrera une attitude positive que l'on attribut habituellement à l'homme. Ironiquement, cette compassion est absente chez les hommes : une scène montre un vaisseau croisant les naufragés et ne leur portant pas secours du fait que ces derniers ait dû tomber dans le cannibalisme.
Les armateurs de chasse à la baleine sont eux traités comme des figures du capitalisme. Ils ne se soucient ni des hommes ni de l'honneur. Il est d'ailleurs fait un lien intéressant entre l'huile de baleine et le pétrole qui va lui succéder. 
L'autre thème particulièrement important, si ce n'est le plus important, est la question de classe. Le capitaine Pollard est de sang "noble" et cherchera toujours à imposer sa vision à Chase qui est lui d'origine sociale modeste et fils de criminel. Ron Howard ne laisse pas de doute quant au traitement du sujet : Pollard prend constamment les mauvaises décisions alors que Chase est iconisé. Pollard finira par reconnaître au fil de l'aventure que Chase, malgré son sang, est plus compétent que lui : et là est bien la seule chose qui compte dans l'adversité. 

En définitive, Ron Howard se sert de l'histoire ayant inspiré Moby Dick pour traiter de grandes thématiques sociales, le sujet étant un peu déplacé en conséquence par rapport à l'attente. Néanmoins le fond et la forme y sont et le tout est divertissant. Un bon film! 



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samedi 19 décembre 2015

Star Wars, Le Réveil de la Force


Synopsis :

30 ans après la chute de l'Empire, une organisation à l'idéologie semblable prend progressivement le contrôle de la galaxie. La République et la Résistance sont débordées et Luke Skywalker est introuvable... 


Commentaire :

Divertissant : Dynamique et Nostalgique

Abrams sait y faire en mise en scène narrative et en effets spéciaux. La mise en scène est globalement plus dynamique en terme de plans et d'action que les anciennes trilogies. Hormis la première demi-heure qui iconise le grand méchant Kylo Ren et prend le temps de présenter la nouvelle héroïne Rey et son environnement (la planète Jakku), le film est un flot continue d'action. Les scènes s'enchaînent à une vitesse folle ce qui rend l'ensemble très dynamique et fluide. Il n'y a pas de fulgurance dans la mise en scène, cela rendant par contraste le dernier plan encore plus marquant avec le mouvement circulaire typique de la prise de vue en hélicoptère. La mise en scène, assez fonctionnelle, n'est pas formellement marquée par Abrams si ce n'est le flash back dans la scène de la cave et le cliffhanger, des procédés plutôt sérials. Cette nouvelle touche est certes originale pour la saga mais plutôt simpliste comme procédé de mise en tension. On note par ailleurs quelques transitions héritées de Lucas ainsi que certains plans hommages comme pour les X-Wings. Concernant l'envergure du film ; autant les lieux que les personnages délaissent le monumentalisme shakespearien pour un environnement moins foisonnant (à l'image de la première trilogie et en opposition à la prélogie et son monumentalisme antique) et des personnages au traitement plus naturaliste, c'est à dire moins théâtraux. Finn a un côté pragmatique le rattachant plus à un Han Solo, franc avec une touche d'humour qu'à un personnage sérieux de la prélogie (si on omet Jar Jar). Le monumental disparaît dans la bande musicale, Williams s'adaptant au style d'Abrams : résultat, moins de thèmes marquants mais un travail sur la finesse de la mélodie. Concernant les effets spéciaux, le bon point est le retour aux animatroniques pour un résultat plus réaliste et plus organique. En terme de design, BB-8 et Maz sont de très bonnes trouvailles. Le design de Kylo Ren, grand nemesis, est également un succès. Ainsi, le film fonctionne très bien en tant que divertissement autant du point de vue de la mise en scène narrative, très dynamique que d'un point de vue esthétique.

Copier et tuer le père

L'amour déclamé pour la première trilogie est telle qu'il est tout de même problématique. La nostalgie fonctionne plutôt bien avec le retour des personnages stars (Han Solo, Leia & Chewbacca) mais beaucoup moins avec l'hommage scénaristique. L'épisode se trouve être un condensé des épisodes IV, V, VI, (Jakku - Tatooine, Nouvelle étoile noire, Luke - Rey, Han Solo - Finn, Maz - Yoda, BB-8 - R2D2, Résistance - Rébellion, Empire - Premier Ordre) ce qui explique en partie son dynamisme mais qui provoque une négation des accomplissements scénaristiques précédents. Luke et Leia ont échoué à éliminer le côté obscur, l'accomplissement politique de la rébellion est fortement amoindri. L'accomplissement de la prophétie autour d'Anakin est nié : bien qu'il s'égare pendant un certain temps de sa voie, il finit tout de même par éliminer l'Empereur et à ramener l'équilibre dans la Force. Or on apprend ici qu'il n'en est rien. On est si loin de ce but que l'épisode s'appelle le Réveil de la Force, ce qui montre parfaitement qu'il n'y avait nul équilibre. La volonté d'Abrams et des scénaristes de refaire la trilogie entraîne aussi des contradictions dans le système politique présenté. La Rébellion (Résistance) et la République ne peuvent pas coexister, la République est le prolongement politique de la Résistance; ce ne sont pas deux systèmes parallèles. Néanmoins l'hommage d'Abrams obligeait le retour de la Résistance : c'est cette situation de lutte contre un pouvoir fort qui l'intéresse. Il a vite fait de rayer de la carte la République grâce à sa grosse étoile de la mort, histoire de pouvoir faire son reboot. Pourtant, le groupe anti-système dans l'épisode VII n'est pas la Résistance mais bien le Premier ordre, qui aurait pu être qualifié d'ailleurs de "Groupe terroriste" (pour montrer que la qualification de résistants ne dépend pas seulement de sa place par rapport au système mais de l'objectif idéologique de la lutte). A ce titre, notons que Kylo Ren rassemble plus à un jeune radicalisé en rupture avec ses parents se réfugiant dans une idéologie violente et totalitaire (une fois le masque tombé) qu'à un grand méchant de Lucas.

Les messages entre modernisme et redites

Un des majeurs problèmes de l'épisode VII est qu'il n'apporte pas de nouveaux questionnements étant une redite de la première trilogie. C'est d'ailleurs pourquoi de nombreux fans ont conspué la prélogie car elle apportait des questionnements nouveaux et donc différents. La prélogie est un questionnement sur l'homme délaissant la raison pour les émotions et la pulsion. En toile de fond, il y a un questionnement sur la philosophie politique (le passage d'une république à un empire, traduit par les arguments de Platon ou Kant -Anakin- contre Aristote -Padmé). La première trilogie est un questionnement sur l'homme et sa filiation et la place du choix (Luke décide ne pas suivre son père). Le questionnement politique est plutôt absent de la première trilogie. L'épisode VII reprend le thème de la filiation père fils avec Kylo Ren et Han Solo dans un jeu de miroir inversé. Néanmoins, il n'y a rien à redire fondamentalement sur ce thème : Kylo Ren fait simplement le mauvais choix. Cela en devient donc juste un élément narratif. Cependant, il reste deux épisodes, peut-être que des questionnements nouveaux vont se poser. 
En revanche, il y a potentiellement un contre-sens fait à Lucas concernant la Force. Pour ce dernier, l'effort et l'éducation sont des clefs pour cultiver son être. La notion de maître et donc de savoir est fondamentale. Malheureusement, l'aptitude Jedi est presque autodidacte dans l'épisode VII chez Rey (voire Finn), celle-ci réussissant à tenir tête à un adepte entraîné du côté obscur. La Force n'est plus le fruit d'un travail. Cela entraîne un relativisme plutôt déplacé. Néanmoins, le message pourrait encore empirer si Rey se revèle être "une fille de", fille de Luke ou Leia par exemple. Cela voudrait dire que les hommes n'ont un destin exceptionnel que s'ils sont par nature exceptionnels, autrement dit de sang bleu. Les hommes ne sont donc pas tous égaux : comme message il y a mieux. Certes pour Lucas, il y a des petites différences de naissance mais il précise bien qu'Anakin ne fera jamais quelque chose d'exceptionnel s'il reste avec sa mère, c'est pour ça qu'il est pris en tant qu'étudiant. Si la saga s'engouffre dans cette voix, elle prônera une philosophie profondément fausse : les hommes ne sont pas égaux par nature mais l'éducation est relative. 
Ce qui est intéressant en revanche dans la nouvelle trilogie est le choix d'une femme et d'un héros principal de couleur. Cela est concrètement un choix moderne. Néanmoins, cela reste factuel car ces éléments ne sont pas pour l'instant un moteur de l'intrigue. Bref, concernant le travail sur les messages, ce film est peu pertinent à l'image d'un Jurassic World au regard de son original. 

En définitive, Lucas a tout compris lorsqu'il dit que "ce film devrait plaire aux fans" lorsqu'on connait son rapport avec ces derniers. Pour les autres, c'est un bon divertissement tenant beaucoup plus du fan-film que d'une réappropriation de la saga. Abrams est plus à l'image de son méchant, un fétichiste de la première trilogie qu'un nouveau maître... I have a bad feeling about this. 



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